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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 14:36

Après avoir passé le sas de débarquement, l’Homme scrute la foule et le voit : Suleyman daI (lire « dayeuh »), son oncle.

Tout de blanc vêtu, le teint mat (ok c’est plutôt normal pour un Turc vivant en Turquie), c’est un bel homme d’à peu près 1m80 et de corpulence moyenne.

Il me serre rapidement la main, avec un demi-sourire. Plutôt mitigé comme 1er contact mais bon je ne m’en offusque pas, c’est peut-être simplement une différence de culture ou alors il est timide.

Par contre, dès que son regard se pose sur les filles, son visage s’éclaire…il a l’air sous le charme. Ok, s’il craque pour nos filles chéries, alors il a passé le test haut la main. Un mec bien quoi !

Comme l’Homme, il a un petit côté « prince ottoman » et sans vraiment lui ressembler, quelque chose dans le sourire, dans le regard et une fierté commune me prouve qu’ils sont bien de la même famille.

Bref, je suis en confiance…

Nous sortons de l’aéroport.

Dehors, il y a un vent à décorner les bœufs mais la chaleur dessous semble torride…En tous cas, je me sens méchamment oppressée et j’ai du mal à prendre de grandes bouffées d’air. Allez 2 « pschitt » de Ventoline et il n’y paraitra plus. Je reste confiante.

Enfin jusqu’à ce que je fasse la connaissance de la voiture qui est censée nous amener à bon port…

Qu’est ce que c’est ça ?

De prime abord, il s’agit d’un break blanc banal mais de plus près je me rends compte que je ne connais pas cette marque de voiture et entre les bosses (petites les bosses) et la rouille (quelques plaques seulement), elle m’a l’air bien amochée. On va faire les 2h de trajet dans CA ?

Je ne me sens plus du tout en confiance et ça doit se voir car l’Homme ne peut s’empêcher de rigoler.

Devant mon air ahuri, il s’esclaffe et entreprend de me rassurer :

« T’inquiète pas, elle roule mieux qu’elle en a l’air. C’est une...(impossible de me souvenir du nom qu'il a utilisé). Une marque turque quoi. Mon oncle dit qu’il l’a depuis 10 ans et qu’il n’a jamais eu aucun problème avec. »

Ouais, et c’est sensé me rassurer ça ?

« Et ça roule à quoi ? Au jus de patates ? »

Il a beau croire que je veux faire de l’humour mais entre nous je suis à moitié sérieuse…On ne sait jamais…

« Non ! C’est une GPL. » Comprendre une bagnole au gaz…Une étincelle et pfouit ! Plus de nous…Ouais, à la réflexion, je suis super rassurée. Ca se voit d’ailleurs quand je monte dedans : je tremble...Lol !

DaI se met au volant, l’Homme lui fait office de co-pilote-blablateur et les 3 filles que nous sommes n’ont plus qu’à se serrer à l’arrière.

Quand il allume le moteur, une nouvelle poussée d’adrénaline me fait tambouriner le cœur : quel boucan !

Mais une bagnole au GPL ne fait pas de bruit voyons Sandaï ! Ch’sais pas, je n’ai jamais mis mon postérieur dans une GPL.

Non ce n’est pas la voiture en elle-même qui fait du bruit, ce sont les « clac », les « tap » et les « boum-boum » qui m’effrayent. Même à l’arrêt ça tremble de partout et fait un bruit de tous les diables.

En tous cas, une chose est sûre, cette tire n’a pas du voir le « docteur des tutures » (le garagiste pour celles qui manquent d’imagination) depuis au moins son acquisition par DaI.

Allez un peu de courage ! Si ça se trouve, on arrivera tous entiers…

On quitte notre place de parking (« otopark » en turc) et en avant, vaille que vaille !

« Mamononon j’ai pas ma ceinture !!! » hurle notre Alexane totalement paniquée.

Normal ! Océane et moi non plus…puisqu’il n’y a pas de ceinture de sécurité à l’arrière. Il y en a à l’avant mais soit les hommes ne le savent pas, soit ils s’en fichent car ni l’un, ni l’autre ne l’ont mise. A moins que ce ne soit pas solidarité avec nous…lol !

En fait, la voiture est si vieille qu’elle est née à l’époque où mettre une ceinture à l’arrière était une presque une aberration. De toute façon, le code de la route turc semble bien plus souple que le nôtre.

L’expliquer à Chouchou n’est pas aisé car elle a bien retenu sa leçon :

« Mamon, il faut TOUJOURS (elle hurle presque le mot) mettre sa ceinture !

- Tu as raison mon ange mais là il n’y a PAS de ceinture. Tu comprends ? »

Elle comprend mais n’excuse pas pour autant.

En regardant son petit visage renfrogné et le hochement vigoureux de tête d’Océ, j’ai un délicieux moment d’autosatisfaction maternelle.

Je viens de me rendre compte que mes filles chéries ont retenu quelque chose de mon éducation. Yesss !

Toutes ces années à répéter que la ceinture de sécurité est indispensable n’ont pas été vaines… Quel soulagement !

L’espoir renaît dans mon cœur. Peut-être que les autres, les dizaines, les centaines d’autres petites phrases que je leur martèle dans le crâne serviront aussi un jour… Super maman est dans la plaaace !!

Comme on dit, « En Turquie, faisons comme les Turcs » et bien c’est ce que nous faisons. Pas de ceinture. Je suis assise au milieu et j’essaye vainement de les protéger de mes bras écartés tout en sachant qu’en cas de choc cela ne servira strictement à rien et nous prenons la route.

Au sortir de l’aéroport, la chaleur est suffocante. Un bon 40° à l’ombre, sauf que nous sommes en plein cagnard. Les 4 fenêtres sont grandes ouvertes et l’air qui s’engouffre dans la voiture est brûlant. Le bruit est assourdissant. Nous sommes secouées comme des pruniers car chaque trou, chaque ornière envoie de grands chocs dans nos corps fatigués.

Ca devrait être une expérience horrible sauf que ce n’est pas le cas pour moi.

J’ai la merveilleuse impression d’avoir à nouveau 8 ans quand on partait en vacances dans le Sud avec mes parents. L’air chaud dans mon visage, le soleil qui s’écrase contre ma vitre et les « bang » qui secouent la voiture me font faire un bond de plus de 30 ans dans le passé heureux de mon enfance. Du coup, je me souviens et je savoure ce voyage bruyant dans cette bagnole improbable.

Le paysage qui défile à toute vitesse est beau et ressemble étrangement à ceux que je traversais petite fille : des terre-pleins verdoyants, des palmiers et de superbes fleurs colorées.

C’est beau !

De chaque côté de ce paysage plat, il y a de petites montagnes brunes (ou des grandes collines, c’est selon), mouchetées du vert des arbres qui y poussent.

La route est large, presque une 2 voies et incroyablement mauvaise : nids de poules géants, ornières, trous…on dirait une route en pointillé.

Ca secoue dans tous les sens et comme la voiture n’est pas un modèle de confort, je dois faire avec les ressorts et autres trucs pointus qui me rentrent régulièrement dans les fesses et dans les cuisses.

Alex s’est laissé endormir par le roulis de notre étrange véhicule. Océ n’a pas assez de ses 2 yeux pour tout voir et reste silencieuse de saisissement ; apparemment la beauté du lieu la laisse sans voix. Je la comprends.

Plus nous approchons de la région de mes beaux-parents, plus c’est vert et plus c’est beau.

Arrive la 1ère grande ville : Nazilli.

C’est une ville d’à peu près l’importance de Strasbourg, traversée par une sorte de double voie expresse. Il y a des gens partout, des voitures partout et des immeubles partout.

Je ne distingue pas d’architecture spécifique, juste des maisons, des immeubles qui se succèdent et se ressemblent ou pas. Certaines sont magnifiques, avec des mosaïques sur les façades, d’autres moches et toutes décrépites.

L’ensemble est assez joli.

A chaque coin de rue, un restaurant genre döner kebab et des magasins-échoppes qui laissent déborder leurs articles jusque sur le trottoir.

Ah les trottoirs ! Parlons-en ! Ils font au moins 30 cm de haut. Je m’imagine les grimper avec mes talons hauts…j’ai plutôt intérêt à me trouver une paire de claquette…lol !

Je n’aperçois aucun animal, ni chien, ni chat.

Par contre, partout des gens marchent, courent, traversent en tous sens et crient, pendant que les voitures, camionnettes et bus klaxonnent.

Ca me fait découvrir une nouvelle facette des Turc : ils roulent comme des fous !

Dépassement à gauche, à droite, freinages in extrémis, le tout saupoudré de coups de klaxon intempestifs. Rouler dans les rues de Nazilli s’apparente à du sport, du rallye automobile. Sébastien Loeb serait fou de joie ici. Mais comme je ne suis pas lui, très peu pour moi ! Je suis bien contente que DaI soit au volant car il roule de main de maître, sans s’énerver, ni donner de trop violents coups de frein. Bon, faut dire qu’il est habitué, lui !

Moi je suis un peu déboussolée par tous ces bruits et toutes ces odeurs et je me sens plus libre, moins oppressée quand nous quittons la ville.

Après Nazilli, c’est la région de ma famille turque à proprement parler qui commence. La route est assez peu fréquentée.

DaI peut appuyer sur le champignon et il ne se gêne pas ! Nous roulons à toute allure et je fais une petite prière au grand barbu pour qu’il nous protège.

La route est encore plus mauvaise qu’avant Nazilli, ce que je n’aurais pas cru possible.

De temps en temps on dépasse un tracteur qui reste sagement serré à droite de la route. Tout d’abord, je suis impressionnée du civisme des paysans d’ici mais d’un coup de klaxon particulièrement violent, DaI me fait comprendre pourquoi.

Le paysan dans son tracteur a sursauté aussi violemment que moi. Nous le dépassons à un train d’enfer et personne à part moi ne semble faire attention au poing rageur qu’il dresse contre nous.

A part ça le paysage a légèrement changé.

Et c’est sublime !! Le vert de la végétation luxuriante se marie parfaitement avec le brun des collines alentour.

C’est vert, c’est riche, c’est cultivé tout en étant sauvage et c’est tellement beau que ça me serre le cœur.

Quand je vois ce paysage, je comprends mieux la nature franche et généreuse des ces gens qui m’ont accueillie à bras ouverts, moi la petite française qui leur volait leur fils, leur frère. Ma belle famille vient de la terre, du travail noble de la terre et de la beauté de cette région.

La route traverse des champs vert éclatant de coton, vert tendre de maïs et vert argenté d’oliviers.

Plantés en ligne comme barrage au vent qui souffle sans arrêt, de fins peupliers se dressent fièrement et, ici et là, des arbres boules, vert sombre, dont je ne connais pas le nom viennent briser la monotonie des cultures.

Et toujours, en toile de fond, ces grandes collines rondes donnent à cette vision une certaine majesté.

La route où nous roulons (à tombeau ouvert, je précise) coupe un grand plateau en 2. De chaque côté s’épanouissent les cultures que j’ai cités plus haut qui s’étendent jusqu’au pied de ces « montagnes » brunes.

Je m’extasie devant la splendeur du paysage et la toute la verdure que j’y vois.

L’Homme m’explique que c’est un fleuve (dont il ne connaît lui-même pas le nom…lol !) qui passe au pied des collines qui rend la terre riche et permet la pousse de tout ce vert.

Sur les poteaux qui bordent la route, on peut voir des nids de cigognes et les majestueuses créatures qui traversent les champs en levant haut la patte.

Tiens mais je la reconnais celle-là ! Elle passe ses vacances d’hiver dans mon village ! Trop cool !

De temps en temps, nos narines citadines sont agressées par une bonne vieille odeur de fumier de vache ou d’usine de poisson ou encore de traitement des eaux. Les filles, peu habituées, se pincent fermement le nez en râlant. Moi je fronce mes narines, ça suffit. N’oublions pas que j’ai des racines paysannes bien ancrées et toutes ces odeurs me rappellent quelque chose…

Franchement, je ne m’attendais pas à tout ça. Je m’imaginais un paysage fait de jaune, d’ocre et de safran, un paysage ondulant de chaleur (un peu comme dans le désert) et je suis très heureuse de m’être si pleinement trompée car la surprise est de taille et très agréable.

La chaleur est intense mais il souffle une brise presque fraîche qui la rend supportable. 40° ici c’est plus agréable de 35 à Strasbourg. C’est vrai que je me sens comme écrasée de soleil mais je n’étouffe pas comme en Alsace.

Je suis certaine que dans 1 ou 2 jours, je m’y serais totalement habituée.

J’ai une pensée compatissante pour les pauvres Alsaciens, et surtout mes parents, qui doivent littéralement cuire dans leur jus.

 

Au bout de 2H d’un trajet cahotant et chaotique, nous arrivons enfin à Bozdogan (lire « Bozdouan), le village de ma belle-famille. 9700 habitants.

Les maisons sont jolies, les rues bien entretenues. Je vois en passant des parcs et des aires de jeux, des palmiers et des bananiers (enfin je crois parce que je ne suis pas une grande spécialiste des plantes).

C’est accueillant, je me sens bienvenue.

Entre nous, vu l’état de mon arrière-train, presque n’importe quelle raison de nous arrêter est la bienvenue. J’avoue ne plus être trop objective tant l’envie de me décoincer est grande. Sans oublier la pause pipi…

Comme nous avons quitté la vallée pour les collines, toutes les rues sont toutes en pente, en vraie pente, genre 90°…hihihi !

Celle qui abrite la maison de mes beaux-parents n’y échappe pas.

DaI arrête son véhicule de folie devant une maison de 3 étages, assez étroite mais profonde. J’ai quelques soucis à m’extraire de la voiture de la mort qui tue car tout mon corps est ankylosé. J’ai à peine le temps de m’étirer que ma nièce Ilayda se jette sur moi en criant « Tata ! ».

Puis tout le monde entre dans la maison et c’est la fête !

Anne (lire ané) nous embrasse, Teyse (téyzé) la replace, puis Baba, le papa de l’Homme, Selda, sa sœur, Nene (néné) sa grand-mère maternelle, Mehmet, son cousin, Aiche (aïché) l’épouse de son cousin, Tulin (tuline), l’aînée de leurs filles et pour finir par Songül, la femme de son frère que je connais déjà, Kemal, son fils et Tuana (Touana) sa fille. Selin (Céline), la petite dernière de Mehmet est très sauvage et je l'ai à peine aperçue. Ce ne sont qu’embrassades joyeuses et bruyantes.

Quel accueil ! C’est époustouflant ! Nous sommes attendus et fêtés comme des rois. L’Homme retrouve les siens et sa joie est contagieuse. Sauf pour Alexane qui est un peu perdue et semble terrifiée par tous ces gens qui l’embrassent, lui pincent gentiment les joues et lui parle une langue qu’elle ne connaît pas…pas encore mais j’ai bon espoir.

Les bagages à peine déposés, on nous fourre un verre d’eau dans les mains car il fait chaud, mais chaud ! Une vraie fournaise !

Puis on s’assoie parterre autour d’un grand plateau sur lequel sont disposées plusieurs assiettes. Teyse a confectionné de bons petits plats typiques avec amour : du combo (une sorte de haricot en forme de carambole) à la fameuse sauce rouge d’Anne que j’ai appris à aimer (à base de safran je crois), de la salade de tomates-concombre, du riz aux pois chiches, le tout accompagné par le fameux « yaourt turc salé. Pour boisson, l’ayran (aïrane) coule à flot mais je préfère l’eau de source du village pure et glacée, un vrai délice.

J’ai faim, c’est bon, je mange avec plaisir. Les filles aussi se régalent et utilisent leur pain comme une fourchette, à la façon des autochtones.

On range les valises et on distribue les cadeaux, les chaussures et les fringues que nous avons apportés, sans oublier les 5 pots de Nutella, les 4 pots de café instantané et les 5 kg de bonbons et de chocolat.

L’appart est un 3 pièces avec une grande cuisine, une grande salle de bain et 2 WC, un turc et oh joie un européen. J’avais peur de devoir me tenir accroupie pour faire mes besoins pendant 20 jours.

Il y a 2 salons, une chambre et un balcon de chaque côté de la maison. C’est assez spartiate mais ça me convient parfaitement.

Une bonne douche plus tard, on se retrouve et on fume, on papote (enfin l’Homme papote, moi je me contente de jouer à la belle plante : je reste dans un coin, immobile et j’écoute distraitement une langue que je ne comprends pas) pendant que les enfants jouent dans leur coin.

Tout le monde semble ravi. Moi je suis tellement crevée que je reste presque sans réaction.

C’est une veillée chaleureuse et tranquille comme je les aime. Je commence à piquer du nez et les filles aussi.

Pour le coucher, c’est simple : chacun se couche où il veut.

Dans chaque salon, il y a 3 canapés, plus un autre dans la cuisine.

L’homme a droit à un vrai lit, celui de la chambre.

Normalement, je devrais l’y rejoindre mais je préfère partager un fin matelas de coton posé à terre avec la fripouille (Alexouille) car je la connais assez pour voir qu’elle est stressée à l’idée d’être loin de moi dans un endroit inconnu.

Océane partage notre salon en dormant sur le canapé qui est sous la fenêtre.

Il n’y a pas de volet, juste un rideau épais blanc qui empêche la lumière du lampadaire de la rue de nous aveugler. Leur fatigue est si grande que les filles s’endorment même si la chambre n’est pas dans le noir absolu.

Tout le monde s’embrasse et se souhaite iyi geceler (ihi gédjélère) pour la nuit et chacun rentre chez soi. Mehmet et sa famille rentre dans leur maison, Teyse et Selda emmènent Ilayda et Ela à l’étage du dessous. Songül est partie plus tôt avec les enfants.

Les filles dorment, Baba et Anne aussi. L’Homme, Selda et moi allons sur le balcon de la cuisine pour continuer à papoter entre « jeunes ».

La nuit est belle et chaude, malgré la petite brise nocturne qui nous caresse la peau. J’espère être assez fatiguée pour m’endormir avec une chaleur pareille.

Nous nous séparons sur un dernier bisou et je vais rejoindre les filles dans la fournaise qui règne dans notre « chambre ».

Je suis fatiguée, je ne me sens pas bien du tout. Une bonne nuit de sommeil va arranger tout ça.

A demain !

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